Spectacle de fin de camp d'été/ Al-Arub Camp

Publié le par lap2010.over-blog.com

Samedi 24 juillet

 

Dernier cours avec les enfants ce matin-là. Chacun s'applique à préparer au mieux sa petite présentation avec chacun des trois groupes. C'est parfois un peu desespérant et on doit par endroits revoir nos objectifs à la baisse. Les enfants nous font un grand merci d'applaudissement, encouragé par Rézik lors du temps collectif final. Chaque enfant a reçu un t.shirt et une casquette du camp d'été. Rendez-vous leur est donné à 15h pour le spectacle. On mange chez Abu Zeid après avoir tapé les compte-rendus journaliers sur son ordi, et on se repose un brin avant de rejoindre les enfants au Centre, certains d'entre eux se sont sapés pour l'occasion, les filles se sont pomponnées. Les chaises ont été alignées. On accroche les visages fabriqués avec des déchets (qui sont chouettes) aux murs, les enfants répètent dans leur coin, s'installent ou discutent.

spectacle  rezik

Rézik préside le spectacle qui commence par la lecture de versets du Coran puis viennent hymne palestinien, danse féminine avec rubans, dabqa pour les gars, activités-cirque avec CL (jonglage, dressage de lions, équilibres...), chants, présentations et situations de communication en français avec moi, spectacles de théâtre des différents groupes (la tomate, le chat, le vent dans la plaine) avec E et A. Mahmoud et Jumah (qui dirige le Centre culturel) ont assisté au spectacle et font un speech, félicitant les enfants, les animateurs palestiniens et nous remerciant. On reçoit même, avec les autres encadrants un pin's du drapeau palestinien, dans un cérémonial rigolo (genre remise de médailles du mérite) mais finalement assez touchant.

remise pins

Tout le monde est content, ça fait plaisir. Le seul regret qu'on ait pu avoir concerne l'absence des parents au spectacle, ça aurait été logique et sympa pour les enfants qu'ils soient là. On fait un petit coup de rangement et on croise les danoises qui rentrent de manif en taxi. Elles sont sonnées et nous racontent vite pourquoi. Elles ont participé à deux manifs dans la journée. La première à Beit Ummar où elles se sont faites gazer et l'une d'elles s'est prise une grenade sonore sur la tête sans dommages collatéraux, l'après-midi, elles ont remis le couvert à Hébron, dans la vieille ville, rejoignant les français de Génération Palestine croisés la veille. La manif a eu lieu dans les rues étroites du centre et les soldats n'utilisent pas de grenades à cause de la proximité des colons qui vivent juste au-dessus. Ils ont voulu arrêter des palestiniens et des internationaux et ça a été la mêlée, les dansoises et des français se jettant dans la cohue pour empêcher les arrestations (techniques non-violentes consistant à s'accrocher les uns aux autres et à se laisser tomber par terre), elles se sont pris des coups de crosses, de pieds et de poings, en témoignaient les belles traces qu'elles portaient sur les bras et les jambes. Résultat de la manifestation: 4 personnes arrêtées, dont 3 français qui passeront devant un tribunal de Jérusalem-Ouest et seront interdits de manifs à Bilin, Nilin et Hébron. Les danoises sont usées, se prévoient une journée de repos et repartent lundi pour d'autres manifs. On est calmés par leur récit et impressionnés par leur courage et leur détermination.

Je suis parvenu à contacter Tasneem, la veuve de Qaher, qui vit au camp de réfugiés Al-Arub chez ses parents depuis la mort de son mari en septembre 2009. On a prévu un rendez-vous et A, E, CL et moi prenons un taxi en début de soirée. Al-Arub Camp est situé sur la route entre Béthleem et Hébron, à 15 minutes d'Al-Ma'assara. La majorité des 1800 familles qui y vivent sur une surface de moins d'1km2 sont pour l'essentiel des réfugiés de 1948, des victimes de la Nakba (déclaration de l'Etat d'Israel et premiere vague d'expulsion massive). Ils vivent dans des conditions très difficiles dans une grande promiscuité, dans l'attente d'un retour improbable ou d'un relogement décent depuis plus de 60 ans. L'UNRWA (ONU) y dispense ses services (alimentation, écoles, centre pour enfants...).

al arub camp

On s'enfonce dans les ruelles étroites du camp et on est accueillis par un des frères de Tasneem qui nous fait asseoir dans le salon. Sa grand-mère et son fils sont là. Puis Tasneem arrive à son tour, rayonnante et discrète. On discute entre une tasse de café et un verre de thé. D'autres frères arrivent et nous souhaitent la bienvenue. Avec une douceur propre à cette famille et une sagesse qui force un respect profond et qui m'avaient déjà marqués l'an passé, l'un des frère nous parle de leur village d'avant 1948, dans lequel ils ne peuvent plus se rendre, qui a complètement changé, jusqu'au nom, ils nous parlent des pressions exercées sur les réfugiés d'AL-Aroub, des fermetures inopinées du camp pour telle ou telle raison, des couvres-feux (une heure pour sortir dans la journée pendant les 3 premiers mois de l'invasion de l'Irak en 2003), de l'époque des membres coupés pour freiner la résistance, des soldats pointant de leur fusil la tête des enfants qui sortent du camp avec leurs parents, des bus d'enfants caillassées par les colons, des voitures de professeur mitraillées sur la route, il nous montre cette carte de la Palestine historique fixée dans le couloir pour ne jamais oublier cette terre, ce village dont ils ont été expulsés mais qui reste le leur, il ajoute qu'il ne condamne pas les juifs mais les sionistes et qu'il ne veut rien d 'autre que vivre en paix sur sa terre. Il nous remercie d'être là pour écouter et voir ce qui leur arrive et nous rappelle l'importance d'en témoigner chez nous. On se sent tout petits. A nouveau, c'est A qui traduit aimablement et nous permet de leur poser des questions. Les parents de Tasneem et sa soeur Sondous que j'avais rencontré l'an passé sont en Jordanie chez Souaib, l'aîné qui vit là-bas. Laith et Nadyn, les enfants de Tasneem arrivent (photo), revenus d'Al-Massara où ils passent 3 jours par semaine. Le taxi nous attend, on salue nos hôtes à la hâte, le coeur plein d'admiration, de tendresse et de mélancolie.

tasneem

On retrouve Abu Zeid et Mahmoud Moussa de retour au village et on va ensemble dîner chez Ahmed qui nous a invité pour notre dernier soir. Ce dernier, qui sort de deux jours de mariage et a vu sa fille mariée quitter le foyer, est un peu moins locace que d'habitude mais nous accueille et nous nourrit avec bienveillance(assiette et verre toujours plein jusqu'à satiété). On reste un peu là à discuter avec eux et Jumah qui s'est joint à nous. On fait nos premiers au-revoirs et on va terminer notre soirée sur le toit comme chaque soir, sous un ciel dégagé cette fois et un calme que seuls perturbent quelques rots de chèvres et une symphonie pastorale d'aboiements plus ou moins lointains.

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