Ramallah, Ni'lin et Bi'lin

Publié le par lap2010.over-blog.com

Bonjour a tous,

Ca y est, on souffle, pour de bon. Le passage de la frontiere s'est effectue comme dans un reve, aucune question, aucun controle de bagage, y compris pour A!! Merveilleux!

Et nous voila en decompression complete dans le petit paradis de Dahab au bord du Golfe d'Aqaba, Mer Rouge, pour 3 jours de plongee, dodo, bouffe, dodo, plongee, echecs, bouffe, plongee, echecs, dodo. Ca fait un bien fou: l'environnement ultra-paisible, ne penser a rien si ce n'est au menu du prochain repas, et enfin, la satisfaction de la mission accomplie, on est sortis d'Israel, tous en bonne sante, le camp d'ete effectue et sans s'etre fait griller par Israel, ce qui signifie a priori la possibilite d' un troisieme retour.

Je vais avoir un peu de temps pour avancer le blog laisse a l'abandon depuis quelques jours.

 

Dimanche 18 juillet

 

Camp d'ete le matin. On progresse chaque jour un peu plus dans l'organisation et la logistique du camp. Meme s'il y a toujours des absents et des nouveaux chaque jour, ce qui est penible pour la continuite des apprentissages, notamment en francais, on arrive chacun a se debrouiller, A et E en theatre, TF et CL en environnement/arts plastiques, CH et moi en francais. Avec des seances de 45 minutes et des rotations rapides et bien orchestrees, les matinees passent bien vite.

francais1 francais2

Chaque matinee se termine par un temps collectif anime par Rezik et la poignee de jeunes animateurs palestiniens: hymne national debout la main sur le coeur, danse, exercice physique, speech, petites demos de ce qui a ete fait en atelier et meme petit show de jonglage et equilibre, demande a E et CL qui ne se sont pas fait prier et ont ebahi l'assemblee des enfants qui n'ont jamais fait ou vu de cirque.

show cedric show elios

Nous partons l'apres-midi pour Ramallah, capitale economique de Palestine et siege de l'Autorite palestinienne, situee a 15km au nord de Jerusalem. Nous decollons avec notre fidele Akhmed et Mahmoud Abu Zeid. Comme l'acces a Jerusalem est interdit aux palestiniens residant dans les territoires occupes, on doit emprunter l'unique route qui relie le Nord au Sud de la Cisjordanie en contournant Jerusalem et son agglomeration.carte_jerusalem_03_08-8e3b9.png

Vous voyez sur la carte ci-dessus Bethleem, au sud, Jerusalem/Al-Quds au centre, Ramallah au nord et le detour de la route pour y acceder (pointilles). Cette route en question est appelee "la route de la mort" et pour cause, elle traverse une vallee en sinuant sur ses versants tres inclines, une route de montagne en somme, accidentee, avec une voie et demi parfois, sans protection particuliere et ou transitent tous les convois commerciaux, poids-lourds et autres camions, bus, taxis et voitures de particuliers. C'est vraiment hallucinant. des accidents y ont lieu regulierement, ce qui etonne peu quand on voit les pentes, les virages, les petites "rembardes de securite" et la qualite de cette route, la seule a emprunter quand on est palestinien et que l'on veut traverser son"pays". Une autre route, plus directe et comparable a nos autoroutes traverse bien sur Jerusalem mais celle-ci est reservee aux israeliens et aux ressortissants etrangers, ainsi qu'aux residents de Jerusalem.

route ramallah 

Sur la photo, le debut de la "route de la mort", depuis son versant meridional.

On longe la plus grande colonie de Cisjordanie, Ma'ale Adumim, 50000 colons, toujours en developpement (70000 habitants en prevision) qui occupe, perchee sur une large plateau, plus de 62 km2 entre Jerusalem et Jericho et coupe ainsi de facto la Cisjordanie en deux parties nord/sud d'une part, prepare l'encerclement de Jerusalem-est (partie "reservee" aux palestiniens) d'autre part . On dirait, en la longeant, une immense forteresse.

On croise egalement la plus grande reserve militaire israelienne en territoire palestinien, situee pres des colonies, au nord-est de Jeru. On finit par retrouver les routes et colonies empruntees lors de l'Alternative tour avec Abu Hassan, le check-point de Qalandia (le plus important lui aussi, de Palestine, entre Jerusalem et Ramallah).

qalandia check point

On arrive a Ramallah, apres 1 heure et quart de route. Affluence de taxis jaunes, rues bondees, grandes enseignes et trafic en tous genres, l'activite economique de Ramallah est reputee et en plein essor. En voyant la grande publicite pour les cigarettes Gauloises avec ce slogan "Liberte toujours" et "100 ans de liberte", je ne peux retenir un sourire desabuse, devant ce decalage entre le message publicitaire et la realite des consommateurs auxquels il s'adresse.

ramallah

On deambule dans le centre anime de Ramallah, pas particulierement seduisant, jusqu'au Mausolee d'Arafat, juste a cote de la Muqata, ancienne residence de l'Autorite Palestinienne pillonnee lors de la seconde Intifada, et en actuelle reconstruction. Le tombeau d'Arafat est sobre et elegant, protege par deux gardes palestiniens et borde par un bassin dont l'eau symbolise la mouvance perpetuelle et la liberte de mouvement.

mausolee arafat tombe arafat

Marcher dans cet espace et voir la sepulture de cet homme qui aura initie et livre tant de luttes pour la liberation de la Palestine sans pourvoir la connaitre ne laisse pas indifferent. Mahmoud, parti chercher les T.shirts des enfants pour le camp d'ete, nous rejoint bientot et nous parle d'Arafat, de son combat, des circonstances de sa mort et du souvenir qu'il a laisse. 

Nous rejoignons les bureaux du Comite de resistance populaire non-violente, vides a ce moment de la journee et prenons un peu le frais dans la salle de reunion.

bureau du comite de resistance populaire

Puis nous poursuivons notre route a l'ouest vers Nilin, village entoure par 5 colonies, dont les terres sont empietees par le Mur de separation. Je dois etablir un contact avec le responsable local du Comite populaire, Mohamed, pour une eventuelle collaboration avec l'AFPS Thionville. En effet, ils manquent de partenariats, ont des besoins consequents pour mediatiser et alimenter leur lutte et enfin subissent une repression particulierement violente et feroce de la part des soldats et des colons voisins. La situation est donc des plus tendues.

Des notre arrivee, Mohamed nous accueille chaleureusement, nous remercie pour notre venue et nous dresse calmement et methodiquement en 15 minutes un apercu de la situation. En lutte non-violente depuis 2 ans, bombes lacrymos, sonores, a fragmentation, couvres-feux, snipers sur les toits, morts de foetus des meres qui ont ete gazees, un enfant de 10 ans tue d'une balle dans la tete, des arrestations de plus en plus longues, des faux temoignages extorques sous la torture, un international americain, T. Anderson, touche d'une grenade lacrymo dans la tete, toujours a l'hopital...differentes etapes destinees a freiner le mouvement de resistance non violente. Mais a chaque fois nous dit Mohammed, la volonte de poursuivre et de resister. On vit essentiellement de l'agriculture a Ni'lin. Pour Mohamed, un paysan sans terre, sans recolte, c'est un paysan mort. Alors quand bien meme on risque de mourir et de laisser des orphelins en resistant, le resultat serait identique en laissant les soldats et colons confisquer les terres. On encaisse, bouche bee. C'est violent. On est entre l'admiration, l'incomprehension, la stupefaction et l'envie de se reveiller ou de fuir cet endroit, tant la vie et le quotidien qui nous sont decrits sont insupportables, infernaux. Said, fils de 18 ans dont le pere est un des leaders de la lutte populaire et en prison avec 6 autres prend a son tour la parole et nous raconte sereinement les pressions quotidiennes, les intrusions de soldats avec chiens en pleine nuit dans les maisons qui terrorisent les enfants pour plusieurs semaines, la presence de soldats et colons, parfois, sur leur terre, qu'ils convoitent, l'impossibilite de poursuivre ses etudes a cause des empechements faits par les soldats d'aller aux examens... le jeune homme parait avoir 30 ans par son discours et son experience. Il en a 18.

On enchaine, abasourdis, par un festin de roi dans la cuisine voisine, une table recouverte de mille plats, poulets, pizzas aux oignons, pain, humus, sauces, legumes, sprite, pris en charge par Mohamed et sa femme. On se fait gaver tres gentiment, cafe dans le salon et discussion sur l'echange possible avec l'AFPS, besoins, projets envisageables et echange de coordonnes.

On sort rejoindre le local du comite populaire, dans le centre de Nilin. Petite piece tapissee de panneaux de photos d'arrestations, manifs, violences, heurts, personnes sur des brancards, blesses, morts...le quotidien de la resistance a Ni'lin.

 

resistance Nilin  comite Nilin

D'autres panneaux couverts d'avis d'expropriations et photos de maisons et terres confisquees lors des 30 dernieres annees. Un portait d'Arafat trone au milieu de la piece, on va de panneaux en panneaux, tous plus affligeants les uns que les autres et on pose des questions a Said et Mohamed. On finit dans les champs de cactus ( dont on a goute les delicieuses figues de barbarie au cafe) au coucher de soleil, en arrivant a deux centaines de metres du mur de separation. Derriere d'importantes colonies paisiblement illuminees, les terres de Mohamed qui lui ont ete volees; plus au loin, une longue foret qui represente concretement le passage de la fameuse ligne verte, cette frontiere reclamee par l'ONU et les Palestiniens depuis 1967 et grignotee illegalement depuis par le mur et les colonies. L'exemple etait clair, limpide, concret, CQFD, la-bas, une frontiere legale, ici, une frontiere illegale, entre les deux, une extorsion impunie de territoire assortie d'une epuration ethnique ou d'un deplacement force de populations civiles, comme on veut. Un peu plus loin, l'aeroport Ben Gourion de Jerusalem-Tel Aviv, point de depart vers le monde auxquel l'immense majorite des Palestiniens n'ont pas acces, et au fond, a l'horizon et une trentaine de kilometres, la Mer Mediterranee que les habitants de Nilin n'ont plus vu depuis bientot 10 ans. La nuit tombe et Said nous dit qu'il ne fait pas bon trainer dans les champs a cette heure-la. On repart donc, quittant ces gens au quotidien et au courage invraisemblables. Silence dans le bus, heureusement Akhmed envoie un bon vieux Mariah Carey, contrastant puissament avec ce que l'on vient d'entendre et de voir mais je ne crosi pas que cela ait suffi a nous derider. Sur le retour, on s'arrete a Bilin, chez un autre Mohamed (ouais, faut suivre), celui-la coordinateur general du Comite de resistance populaire non-violente et responsable de la section de Bilin, village qui a initie ce type de resistance et en demeure aujourd'hui encore le symbole vivant. On prend un the a la menthe dehors, bientot rejoints par d'autres palestiniens. Puis on reprend la route, Akhmed bosse demain matin et on le sent desireux de retouver son lit pas trop tard. Par consequent, il ne menage pas sa monture et nous donne une idee de la puissance de son Caravelle Boeing sur le trajet retour. On rejoint Ramallah, Qalandia, les lacets interminables de la route de la mort, les villages et petites routes du sud-ouest de Bethleem. Ca va tres vite mais notre confiance en Akhmed est entiere.

Discussion avec les internationaux, retrouvailles avec les Moussa au retour, preparation de la journee du lendemain (eh oui, on bosse quand meme) et dodo apres cette journee bien chargee en decouvertes et en emotions.

TG

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L
<br /> Salut les copains,<br /> Je suis très heureuse de vous savoir en lieux sûrs sains et saufs Profitez de vos vacances bien méritées<br /> J'ai hâte de vous entendre en direct<br /> Encore bravo pour le blog qui nous a permis de mieux comprendre la situation de nos amis palestiniens<br /> Bisous et à bientôt<br /> Laurence<br /> <br /> <br />
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